Réves légals

ISLAM SHAMSELDINE


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- Traduit par ASSIA ALIMOUSSA/ALGERIE
Au rez de chaussée de l’hôpital ‘mahd nasser’ qui s’ouvre sur les rives du Nil , je l’ai rencontré. Il faisait partie d’un groupe de blessé de l’intifadha qui se soignaient au CAIRE.
Il a tout de suite attiré mon attention ,car il était le moins âgé d’entre eux,mais le plus actif
Et le plus dynamique par ses mouvements incessants.
Discutant avec l’un,plaisantant et s’amusant avec l’autre,il était clair que cet enfant suscitait auprès des siens beaucoup d’affection et de tendresse.
Je l’ai approché calmement…alors il m’a sourit :
- Vous êtes journaliste ?
- En ai-je l’air ?
- Beaucoup de journalistes viennent ici pour faire des interviews , et je crois que vous êtes l’un deux.
- Et tu discutes avec eux ?
- bien sur , ils sont très gentils avec moi.
Il s’est empressé de demander mon nom..
J’ai acquiescé avec sourire sur cet accord instantané d’un désir mutuel de se rapprocher.
J’ai demandé qu’il me parle de lui, sa famille, son école, ses amis , ses loisirs , ses rêves …
Par ma question j’ai eu l’impression que ‘RAMI’ était entrain de traverser une période de changement soudain dans sa vie, j’ai senti qu’il avait grandi de vingt ans.
Ses traits étaient calmes, Ses paroles devenaient plus équilibrés, sa voix plus profonde, plus triste..

RAMI,dont l’age ne dépassait pas les dix ans,vit simplement dans l’un des quartiers de
REFAH,avec sa famille constitué du père,de la mère,du grand-père et de sept frères dont deux martyrs tombés au champ d’honneur.
Les revenus journaliers du père et du grand frère,qui exercent de manière discontinue
Dans l’une des usines à l’intérieur des territoires occupés de 1948,constituent les seuls moyens de subsistance de cette grande famille.
En dépit de toutes ces circonstances pénibles qui les entourent,cet enfant faisait beaucoup d’effort pour s’appliquer dans ses études à la mesure de ses possibilités,exploitant chaque opportunité de travail provisoire pour aider sa famille.


RAMI n’était ni un révolutionnaire,ni un militant inspiré des rêves et idéaux larges du nationalisme…
Tous ses rêves se résumaient en un seul,simple,mais oh combien significatif pour lui.
Il rêvait de pouvoir chanter librement,sans contraintes.

Réveillé pour quelques instants de ses peines,il me demanda avec l’innocence de ses dix ans
-Ai-je eu tort de faire un tel rêve ?
On ressent parfois une impuissance totale face à des questions simples,tellement simples
Qu’elles finissent par nous surprendre fortement,
Gêné,inquiet,on est ainsi mis dans l’embarras.

Chaque être humain a le droit au rêve,et quelqu’il en soit,nul autre n’a le pouvoir de l’en
priver ou de l’en exproprier.
Avec la même part d’innocence,je lui ai répondu :
-Et pourquoi tu ne chantes pas ?
Du fait de sa spontanéité,ma réponse lui est apparue bien naïve.
-Comment pourrais- je chanter au milieu des raids de l’aviation,les salves des canons , et le
crépitement des balles ?
-Comment pourrais-je chanter alors que les chars peuvent pénétrer notre maison à tout instant ?
-Comment pourrais- je chanter,alors qu’en rejoignant chaque matin mon école,j’ignore si
J’en reviendrai une deuxième fois.
-Comment est ce que des voix mélodieuses puissent-elles se faire entendre et écouter dans ce
climat marqué par la peur et l’insécurité ?

Je me suis rapproché un peu plus,de lui , je l’ai fixé, droit dans les yeux,de manière à
Provoquer,en son for intérieur,le défi qu’il devait affronter :
-Essaies donc , et sois confiant que ta voix et plus forte que le bruit des avions , des canons et les tirs de balles et qu’elle est plus forte que tout les sentiments de peur et d’insécurité.
Il demeura pensif un moment,essayant de digérer ma proposition..
Son visage enfantin révéla l’expression de quelqu’un qui n’était pas assez convaincu.
Je me suis empressé de lui faire un sourire d’encouragement :
- pourquoi ne chantes tu pas maintenant ?
- ici à l’hôpital ?
- et pourquoi pas ?
il a regardé tout autour de lui , dévisageant les présents,les uns après les autres , scrutant leurs éventuelles réactions.
mon idée avait certainement touché un point sensible en son for intérieur ;
un rêve emprisonné s’était alors réveillé..
reprenant l’une des mélodies éternelles de DARWICH ,sa voix s’éleva comme par enchantement dans la salle,et malgré l’étonnement que celle-ci suscita auprès des présents,
leurs regards encourageants le rassurait.
je me suis alors levé,le laissant bercer ses rêves par le chant.
Je lui ai souri,du fond de la salle ou je m’apprêtais à partir.
Il me fit signe avec son visage débordant de joie :
-je vous attendrai demain.
Je lui fit signe d’approbation et quitté le lieu.

Sur le chemin de mon retour ,mes pensées n’ont guère quitté RAMI..
Rapidement je me suis remmomerer toutes les conventions,chartes et traités,et je me suis mis à la recherche d’une seule disposition qui nous interdirait le rêve ou lui imposerait des conditions.
Ma vie aurait alors quelle forme,si le rêve n’en ferait plus partie ?!
J’ai aussitôt évacué cette obsession de ma tête ; elle était plus dure que le simple fait de l’avoir imaginé.
Il est possible d’accepter l’idée que l’on puisse nous interdire de voyager,de se déplacer ou
d’accomplir une activité précise,voire de nous déposséder de nos biens et même de nous interdire d’exprimer nos opinions..
Mais nous priver de nos rêves ?!!

* * * * *


Mes rencontres avec RAMI se succédèrent.
Je me suis tellement habitué à ces visites qu’elles finirent par devenir une partie principale
De ma vie quotidienne.
Nos relations se consolidèrent davantage ;
De l’amitié sincère dont il m’honora aussi rapidement,j’en suis devenu très attaché à sa préservation..
Je lui avais donné l’occasion de me parler de RAMI et me dévoiler ses rêves, tentant de l’aider à fuir une prison qui limogea son enfance et son innocence.

A trois heurs pile,comme j’avais pris l’habitude d’emprunter le passage qui conduisait à sa chambre,le silence de l’hôpital fut soudainement brisé par un son musical joué sur l’instrument el oud.
Mon étonnement ne dura pas.
Ma curiosité sur l’origine de ce son fut vite assouvie sitôt je fis mon entrée dans sa chambre.
RAMI tenait bien entre ses mains cet instrument comme un habile musicien.
à ma vue,il sursauta de joie.
- Je vois que tu as acquis un cadeau précieux .
- Le directeur d’hôpital me l’a offert lorsqu’il a su ma passion pour le chant.
- Je crois que tu as de la chance que tout le monde ici participe à exaucer ton rêve,
Dire qu’à ton age,on ne s’interrogeait même pas sur ce qui pouvait m’intéresser.
Il éclata de rire ; sa chambre s’illumina de gaieté et de bonheur :
- je touche du bois..
j’ai ris avec lui :
- tu joues bien avec cet instrument ?
- un peu , mais j’espère apprendre.
Il commença par exprimer son talent et son habileté de musicien ..
il n’était pas aussi apte, mais malgré cela les cordes de cet instrument dansaient sous ses doigts ; lui obéissaient comme si elles avaient honte de lui gâcher sa joie.
il s’arrêta subitement de se servir de cet instrument,comme s’il s’était souvenu de quelque chose d’important.
il s’empressa de me faire une demande surprenante :
- puis je assister à un spectacle à l’opéra ?
je me tus un moment, stupéfait , avant de lui répondre :
- l’opéra ?
- je rêve tellement d’assister à l’un de ses spectacles de chant, pourriez-vous m’y accompagner ?
- évidemment, mais cela nécessite d’abord l’accord du directeur de l’hôpital .
- je tacherai de le convaincre moi même.
- Tu parais si sur de toi
un sourire resplendissant égaya son visage :
- oui , le directeur est mon ami.

* * * * *


Sur la route qui nous menait à la maison de l’opéra,il s’est bien amusé à faire la course aux
rapides voitures qui roulaient sur la corniche du Nil,s’impatientant d’exaucer son rêve,
Ces voitures dégageaient l’étrange impression qu’elles nous ouvraient le passage pour ne pas
retarder RAMI à réaliser son rêve.
Depuis notre arrivée à la maison de l’opéra,l’expression d’une personne sidérée et joyeuse prédomina sur les traits de son visage..
Je découvris,dés le début du show musical,que la relation qui liait RAMI à la musique n’était
Pas le simple fait du rêve,mais bel et bien le gage d’un véritable amour.
Il reprenait les paroles et les refrains des chansons d’une telle manière qui dénotait de sa
Complète maîtrise.
Bien que je n’avais pas appris beaucoup de ces chansons,sa capacité à reprendre celle-ci
me procura un bonheur exquis.

la fête finie,la salle retrouvant ses lumières qui l’éclairaient,nous nous hissâmes rapidement sur le plancher du théâtre.
comme une grande star de la chanson,RAMI s’est présenté, face à des sièges vides et berçant dans l’océan de ses rêves.
les agents de service nous avaient autoriser à demeurer pour quelques minutes sur le plancher avant de nous demander de descendre.
RAMI sauta de joie comme s’il venait de remporter une grande victoire.
Il m’a serré fortement contre lui ; ses innocents sentiments me pénétrèrent si vite que sa joie enfantine me submergea aussi.

Tout au long du chemin de notre retour,il s’est astreint au silence,comme s’il craignait
Que les mots le réveilleraient de son rêve.
Je partageais cela avec lui,me contentant de scruter ce qui pétillait dans ses yeux .

* * * * *


Depuis que j’avais connu RAMI , je ne le retrouvais que jovial,gai,le visage brillant et éclairé,
planant comme un oiseau qui découvre pour la première fois le plaisir de voler dans le ciel… mais aujourd’hui sa joie était encore plus débordante et expressive qu’avant…
l’accueil qu’il m’avait réservé était tout à fait particulier.
dés mon entrée , il m’a salué et serré longtemps contre lui.
il ne m’avait ainsi,même pas donné l’occasion de lui demander ce qui le rendait si heureux.
Il parla avec un ton proche du chant :
- le directeur a autorisé ma sortie
je retournerai à RAFAH dans deux jours si telle est la volonté de DIEU.

Malgré la joie que j’éprouvais,je ne pouvais hélas dissimuler le fait de cette surprise
dans mon esprit.
- tu m’écriras ,n’est ce pas ?
- certainement,et vous,vous le feriez ?
- j’essayerai à chaque fois que cela serait possible.

Cette fois-ci,notre rencontre n’était pas tellement différente des autres,mais l’impression
Qu’elle serait la dernière a quelque peu déteint sur ces retrouvailles.
Et parce que je n’aime pas les adieux et que je m’attache toujours à les éviter,je me suis dé lors résolu à ne pas me présenter le jour d’après pour lui faire mes adieux me contentant de cette visite qui serait la dernière.

Je l’embrassa avant que j’eusse quitté la pièce , je lui rappela sa promesse de m’écrire .
Je quitta les lieux pour la dernière fois,emmenant avec moi, beaucoup de bons souvenirs
que nous avions partagés ensemble.

* * * * *


RAMI a été beaucoup plus fidèle à sa promesse ,puisque ses lettres n’ont guère cessé ..
J’attendais celles-ci avec impatience ; recherchant entre les mots qui les composent,le reste de son petit rêve.
Aujourd’hui , une carte de vœux m’est parvenu de sa part , m’annonçant son adhésion à la chorale des enfants d’EL AKSA.
Son rêve si simple continue toujours à illuminer son imagination .
Il n’a pas encore pu le réaliser ..
Mais il ne laissera personne l’en priver.


*****